samedi 15 août 2009

La sagesse sociale de la Maat


Les Egyptiens avaient détecté trois obstacles qui pouvaient empêcher de vivre l'équilibre social de Maat :

I. De l'inertie à l'action intelligente :
Il s'agit de ne jamais rompre le lien entre l'action et ses conséquences, d'agir l'un pour l'autre, de cultiver la réciprocité et la solidarité active qui développe les qualités de service et d'autonomie. Pour sortir de l'inertie, les Egyptiens préconisent de faire de l'action une offrande, conformément au principe de la restitution.
La perte de mémoire, source du retrait, fait que l'individu oublie la finalité de ses actes, le sens à donner à sa vie. Il est happé par les besoins du moment. Entre deux besoins, il reste inactif, dans l'attente du besoin ou du désir suivant qui va le susciter. Il oublie ses engagements, à l'égard de ses origines comme à l'égard de ceux avec lesquels il a établi des relations et contracté des dettes. Il perd la notion de restitution, pense qu'il ne doit rien à personne, qu'il s'est fait tout seul, sans père ni mère, ni environnement éducatif. Il n'agit qu'en fonction de ses besoins à court terme, sans mesurer les conséquences de ses actes à moyen et long termes.
L'inertie pour les Egyptiens, n'est pas simplement la non-action mais l'action sans perspective, qui n'obéit qu'à l'impulsion du moment et répond au seul instinct de survie. L'homme qui agit ainsi s'exclut de l'ordre social parce qu'il ne vit que dans la perspective de son intérêt immédiat.
Agir, c'est s'insérer dans l'ordre du monde, en ayant conscience d'où l'on vient et où l'on va, en ayant conscience d'être intégré dans cet ordre et en étant solidaire de tout ce qui est vivant.

II. De la surdité mentale à l'écoute intérieure :
Pour l'Egyptien, la sagesse allait de pair avec le silence. Ecouter et contempler correspondaient pour lui à une démarche d'intériorisation à travers laquelle il pouvait s'intégrer aux vraies réalités et en saisir le sens. Il s'agit de développer une grande confiance et une grande maîtrise de soi, pour dépasser en cet instant la condition humaine et établir le lien avec la dimension du sacré.
Tandis que l'inertie pose le problème de la solidarité dans l'action sociale, la surdité mentale pose la question de la solidarité dans la communication. L'écoute, qui permet de comprendr et de réfléchir avant d'agir, développe les qualités de discernement et d'investigation.
L'écoute mutuelle permet l'accord réciproque et fait naître la confiance.

III. De l'avidité au détachement :
Pour L'Egyptien, l'avidité est la maladie du coeur la plus grave, car elle est le moteur de l'égoisme, de la séparativité. Pour la vaincre, il s'agit de développer l'altruisme, une intention solidaire, le don, la générosité, le dévouement, l'amour d'autrui.
Dans l'avidité, l'individu s'identifie à ses possessions et à ses désirs plutôt qu'à ce qu'il est. Il refuse, derrière une ambition démesurée, d'assumer sa propre loi d'action, sa place dans le monde. Ne se reconnaissant pas tel qu'il est, il est profondément égocentrique. Il ne peut donc à aucun moment assumer le principe de la solidarité universelle.
La source de l'avidité est la crainte, qui empêche de dépasser à aucun moment l'instinct de survie.

Vaincre ces trois obstacles de Maat conduit au détachement, rend le coeur léger. Ne pas savoir où on va ne justifie pas l'inaction. Il s'agit d'apprendre à rompre avec l'inertie, entrer en mouvement, comme on s'échauffe au début d'un cours de gymnastique pour vaincre l'immobilisme. Ensuite, plus profondément, sentir et trouver une finalité altruiste qui ne peut s'éveiller lorsqu'on reste sourd aux autres, prisonnier de l'individualisme.
La dernière étape consiste à ne plus agir par souci de valorisation ou de pouvoir, mais de façon désintéressée, sans attendre de retour, indépendamment de l'opinion d'autrui, par conviction intime.

Cependant, dans cette descente au fond des choses et de nous-mêmes, les Egyptiens nous mettent en garde : c'est au moment le plus noir et dans le lieu le plus profond qu'a lieu le combat entre nos attachements, notre égoïsme et notre être spirituel, celui-là seul qui est capable d'agir au-delà de notre propre personne. Une volonté de se libérer des apparences et des faux-semblants est alors indispensable, comme le développement au plus profond de soi d'une conviction qui soit matrice de comportements justes.

L'Egypte nous lègue une piste pour entrevoir l'Homme universel, enjeu d'aujourd'hui. Car si , autrefois, l'Egypte se voulait le miroir du Ciel, c'est toute la planète, aujourd'hui, qui a nécessité de le devenir.

"Maat et l'actualité de l'Egypte ancienne" - L'ordre dans le désordre - F. Schwarz

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