samedi 29 janvier 2011

Quand la nuit nous révèle au monde invisible


Il y a de cela quelques mois, flânant dans Paris au coeur du quartier où sont réunies les galeries d'art, je reste en arrêt devant une vitrine présentant une photographie fascinante d'un arbre. Au-delà des racines, du tronc et des branches qui sont toujours un merveilleux appel au redressement de l'homme, il y avait ici une lumière, un hallo qui entourait l'arbre qui me fit entrer dans la galerie, rencontrer l'artiste qui était présent ce jour et repartir avec son livre "Racines célestes". 

Les photos sont accompagnées de textes de l'auteur, Tomas Heuer, et l'ouvrage est présenté par un texte de Jacques Brosse, l'un des meilleurs spécialistes français des arbres et de leurs mythologies. Je vous en partage ci-dessous quelques paragraphes choisis.




Tomas Heuer photographie l'invisible. Il a trouvé le procédé apparemment le plus simple, mais finalement le plus ingénieux : laisser l'invisible se photographier lui-même. Comme il le dit, "il faut d'abord se faire inviter par l'Arbre". Puis, dans le silence et l'obscurité propices de la nuit, il lui propose le miroir où son reflet se fixera, un appareil photographique en pause, sensible au subtil, au presque imperceptible, à la luminescence puis qu'à la lumière ... Avec pour seule compagnie le renard et la chouette, le photographe et son appareil devenus comme eux nyctalopes, regardent ... L'oeil magnifié capte la ronde concentrique des planètes, le sillage des astres, la grande pulsation du ciel, tel un organisme géant. L'arbre cosmique se révèle, il émet cette mystérieuse bio-luminescence du vivant et se découvre tel qu'il est, le médiateur par excellence de la communication entre le ciel et la terre. Devant ces visions infiniment poétiques et parfaitement concrètes, l'observateur attentif sait qu'il fait lui-même partie du spectacle. Le culte que rendaient à l'Arbre les civilisations antiques de tous les pays, de tous les continents, nous semble proche et familier. Voilà ce que met sous nos yeux Tomas Heuer dont l'objectif est une fenêtre ouverte sur l'unicité du monde tel qu'il est.




Chêne Pubescent au col de Battaglia en Corse
Photo réalisée à 6 jours de la pleine lune
Altitude : 1100 m
5 heures de pose


"En regardant pour la première fois ces extraordinaires documents, je ne reconnaissais pas l'arbre que je croyais connaître, ou plutôt, je ne l'avais jamais vu dans cet état. Il se révélait tout autre, je le découvrais. 

Là où l'on reconnaît, il n'y a plus de véritable connaissance ... 

L'arbre nocturne ne ressemble pas à l'arbre diurne. Par suite d'une simple mutation de perspectives et d'atmosphère, le passage du jour à la nuit, il a changé d'aspect et comme de nature. Dans l'obscur, il émet sa propre lumière, cette mystérieuse bio-luminescence du vivant que ne saisit plus directement l'oeil, mais occasionnellement son prolongement, l'oculaire. 

Comment ne pas être saisi par l'arbre nocturne de la photo ci-dessus, rutilant, rougeoyant devant l'espace infini, le ciel qui tourne autour de lui et s'anime, car l'objectif, l'oeil magnifié du photographe, y a capté la ronde concentrique des planètes, le sillage des astres, et la giration de tous ces corps célestes. Il rend manifeste la vie, la grande pulsation qui meut cet organisme géant ... C'est seulement la nuit que l'arbre s'illumine.

Tomas Heuer est un amoureux des arbres, de l'Arbre, et sa démarche spontanée rejoint les recherches sur la sensibilité des plantes entreprises depuis le début du XX° siècle, aussi bien aux Etats-Unis, qu'en Inde et en Russie, mais dont les résultats, il est vrai partiels et épars, ont rencontré longtemps, surtout en France, le scepticisme blasé d'une certaine science officielle, qui tenait ce raisonnement simpliste : "comment les plantes et même les arbres pourraient-ils avoir une sensibilité quelconque, puisqu'ils ne possèdent pas de système nerveux ? "

Or, voici que devant un photographe un peu fou, je veux dire un poète, qui faisait des portraits de ses amis les arbres, seul avec eux dans l'intimité silencieuse de la nuit, ils ont exposé leur secret, la splendeur indéfiniment diversifiée de leur rayonnement nocturne.

Par le truchement de ces icônes, se dévoile la face cachée du monde, son envers que nous nions, parce que nous ne le voyons pas. Il était là cependant et voici qu'il se montre. Dans le temps paradoxal que nous vivons, ce livre annonce un avenir, proche peut-être, où se conjugueront, pour le plus grand bénéfice de l'humanité, les visions des poètes, des mystiques et les observations des chercheurs scientifiques, enfin réconciliées, enfin complémentaires, face à la réalité unique du monde tel qu'il est."

Aux éditions Alain Piazzola
Texte et photos de Tomas Heuer


"Au commencement, il faut se faire inviter par un Arbre ...
Si tout va bien, je fais des petites pyramides de pierres blanches
qui brilleront la nuit ...
Thomas Hauer


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2 commentaires:

  1. Incroyables photos de la Vie
    dans ce monde invisible de la nuit
    et qui est pourtant bien le nôtre.
    Chapeau au photographe et à celle qui nous l'a fait découvrir
    Bises
    Charles

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  2. L'invisible est toujours visible et le visible est toujours invisible.

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